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Viêt Nam lointain
Le Viêt Nam n’est pas simplement une guerre, ou une destination touristique, c’est un pays.
Le Viêt Nam profond
Les cultures vietnamiennes, Dong Son, Sa Huynh, et Oc Eo, sont contemporaines des cultures antiques occidentales, égyptienne, grecque, et romaine. D’autres les précédèrent dans une continuité formant une authentique civilisation, une des plus fameuses au monde.
Pourtant, dans l’esprit occidental, c’est un peu comme si le Viêt Nam avait surgi de la nuit des temps après la Deuxième Guerre mondiale. La dévotion de l’Histoire officielle au pouvoir colonial et à la « grandeur » de ceux qui croient la faire – toujours au détriment de leurs peuples massacrés –, recouvre de son drapeau, de sa religion, et de ses valeurs civilisatrices les racines des pays colonisés. Un déni qui parvient à façonner une pensée commune appauvrie en autorité collective. De la même façon, le sureau noir ne serait que poison ; le progrès synonyme de mieux-être comme vérité élémentaire (cf. l’Agent Orange) ; le Viêt Nam réduit à une guerre ou à une destination touristique…
L’autorité individuelle peine à rétablir la dérive de cette pensée unique, et le dialogue est souvent celui-ci :
- Tu es Chinois ?
- Non, Vietnamien…
- Ah bon ! Enfin, c’est pareil...
Pas du tout.
Le Viêt Nam est l’aboutissement d’une succession de cultures préhistoriques et antiques, une superposition commençant (dans l’état actuel des connaissances archéologiques) au Paléolithique – Âge de la pierre – avec la culture Son Vi au nord du Viêt Nam, datée de moins 20 000 à 12 000 ans av. J.-C. sur 6 sites différents.
Au Mésolithique – période intermédiaire aux Paléolithique et Néolithique –, la culture Hoabinhienne (de Hoa Binh, au nord du Viêt Nam, est datée de 8 000 à 4 000 av. J.-C. sur 10 sites différents) révèle la maitrise agricole de variétés de subsistance encore dominantes de nos jours pour certaines. Ceci, même si cette pratique s’étendait bien au-delà des frontières actuelles.
Au Néolithique, la culture Bac Son (massif montagneux au nord du Viêt Nam), divulgue, entre autres, des céramiques rudimentaires sur 11 sites différents.
Datée de 6 000 à 3 500 av. J.-C., la culture côtière Quynh Van (située dans la partie nord du Centre du Viêt Nam), dévoile au travers de 21 sites archéologiques des poteries usuelles, et décoratives (comme dans la période prédynastique égyptienne à la même époque).
La culture Phung Nguyen, 5 000 à 4 000 avant notre ère, mise à jour par des fouilles effectuées sur une vingtaine de sites de la région située au nord-ouest d’Hanoi, révèlent l’existence d’une culture allant de la fin du Néolithique à l’Âge du bronze. Ces sites livrent un grand nombre d’outils, haches, herminettes, houes, bracelets de perles en pierre, ainsi que des céramiques façonnées au tour, et cuites entre 500 et 900° C.
Les cultures Dong Dau et Go Mun, allant de la fin de l’Âge de bronze jusqu’au début du dernier millénaire av. J.-C., présentent une foule d’objets en bronze (hameçons avec palette et ardillon datant de plusieurs millénaires) ressemblant déjà à ceux de l’Âge du fer. Les céramiques sont cuites à hautes températures et leurs formes divulguent des techniques très sophistiquées. Les objets usuels sous forme d’animaux fascinent tellement les lignes qui les représentent sont justes.
Puis viennent les cultures contemporaines à celles de l’Antiquité en occident, égyptienne, grecque, et romaine. Elles s’appellent : Dong Son, au nord du Viêt Nam ; Sa Huynh, au centre ; et Oc Eo, au sud. Et elles nous lèguent des merveilles.
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Culture Dong Son, tambour de bronze coulé au premier millénaire av. J.-C., technique de la cire perdue, encore utilisée de nos jours. Musée Guimet, Paris. J’en ai vu surmontés de quatre petits animaux (biches, et éléphants) sur le pourtour du plateau. La fonction de ces chefs-d’œuvres n’est pas établie précisément : objet cultuel, d’appel, cadastral, ou astronomique (calendrier saisonnier ?). Ils sont souvent décorés de formes géométriques, d’animaux terrestres et/ou mythiques. |
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Jarre funéraire de la culture Sa Huynh, du premier millénaire av. J.-C. aux deux siècles suivants. Enterrée, son couvercle ressemble à un pot de fleur renversé. Chacune contient les cendres du défunt accompagnées de ses objets usuels et bijoux. |
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Statue de Vishnu découverte à Oc Eo (situé entre Rach Gia et Chau Doc, dans la province d’An Giang sur le delta du Mékong, territoire Khmer à l’époque), musée de Ho-Chi-Minh-Ville. La culture Oc Eo avait creusé un canal reliant le golfe de Thaïlande à la mer de Chine méridionale, d’où l’influence indienne et, paradoxalement, chinoise, car il croisait le Mékong descendant de l’Himalaya. Les fondations de briques décorées d’animaux de la grande cité d’Oc Eo sont désormais classées patrimoine culturel de l’humanité. |
Bien sûr les guerres des occidentaux n’ont rien respecté de cette inouïe richesse de l’ « Indochine », pas plus la plaine des Jarres, au Laos (5 000 av. J.-C. à 800 après), que les temples (plus près de nous) de la culture Cham de My Son (Centre du Viêt Nam), et de la culture Khmer d’Angkor, au Cambodge.
Pourtant, il est établi que depuis le fond des âges, partout, les hommes luttèrent pour leur survie. Ils fabriquèrent des outils pour chasser et pêcher, dépecer, se vêtir, construisirent des habitats et réalisèrent d’inappréciables mobiliers pour décorer leur monde…sans quoi leurs descendance ne serait plus là. Or, si la pensée commune a bien conscience de cela, elle l’attribue seulement à ses ancêtres directs. Le mépris historique faisant le reste, la pensée unique voyant un Vietnamien, traduit : Chinois.
C’est au Xème siècle que le «Viêt Nam en devenir» avait connu sa dernière indépendance. Depuis, ce « Viêt Nam » a connu divers envahisseurs, mongols, chinois/… / chinois de nouveau, portugais, japonais, français, américains. Mille ans de guerre sans repos et, au terme d’un immense sacrifice national, une nouvelle indépendance. La paix.
Mais maintenant que la guerre est finie, elle continue. Une guerre silencieuse, si laide qu’elle n’a pas l’honneur des écrans. Bien sûr on la rencontre au « Village de l’Amitié » de Van Canh, près d’Hanoi, ou dans le « Village de la Paix » de Tu Du à Ho-Chi-Minh-Ville, deux lieux qu’on peut qualifier d’établissements-pilotes du pays. Elles sont là les victimes visibles de l’Agent Orange. Les écrans du monde n’en veulent pas. Elles font peur. Certaines le savent. Elles souffrent d’être. Elles vous fouillent la pupille et semblent demander : « Qu’ai-je donc fait pour être comme ça ? » et vous devenez l’accusé du monde entier. Celles-là ne sont que l’infime partie apparente d’un iceberg qui fait froid dans le dos.
Les autres victimes sont essaimées sur deux mille kilomètres du Sud au Nord. Elles sont en ville au détour d’une rue, en campagne au fond d’un chemin poussiéreux de terre rouge qui mène à un hameau de paillotes, quelque part sur les hauts-plateaux, dans la montagne ou bien dans un de ces innombrables bateaux-maison.